Merci André…

«Il n’est pas écrit au fronton de nos mairies, que je sache, Santé, Egalité, Fraternité»

André Comte-Sponville: «J’ai choqué en disant que surtout, la santé n’est pas la valeur suprême et là encore, que cela ait pu choquer, c’est quand même très étonnant.» Gilles Bornstein: «Mais vous ne faites pas semblant. Je vous ai lu, je comprends très bien ce que vous voulez dire, mais c’est vrai que c’est un propos assez, pour ne pas dire choquant, disons iconoclaste, transgressif.» André Comte-Sponville: «Attendez, est ce qu’il est écrit dans les Evangiles, et c’est un athé qui vous le rappelle, est-ce qu’il est écrit dans les Évangiles, prenez soin de votre santé comme Dieu prend soin de la sienne ? Non, il est écrit, aimez vous les uns les autres comme Dieu vous aime. J’espère ne pas être le seul dans ce pays judéo chrétien à penser que l’amour est une valeur supérieure à la santé. Il n’est pas écrit au fronton de nos mairies, que je sache, Santé, Egalité, Fraternité. Il est écrit, Liberté, Egalité, Fraternité. J’espère ne pas être le seul dans ce pays à penser que la liberté est une valeur supérieure à la santé et donc bien loin d’être iconoclaste. Je tenais un propos bien loin d’être iconoclaste, je tenais un propos conforme à deux mille ans de civilisation chrétienne et à trois siècles de civilisation républicaine. Que ça ait pu choquer parce qu’on voyait des médecins en série tous les soirs à la télévision, ça en dit long sur ce que j’appelle le sanitairement correct. Donc non, la santé n’est pas la valeur suprême. D’ailleurs, la santé n’est même pas une valeur du tout.»

«Non, la santé n’est pas une valeur, c’est un bien. Je fais une différence entre les biens et les valeurs. Un bien, c’est quelque chose qui est désirable et éventuellement enviable. Une valeur, c’est quelque chose qui est estimable ou admirable. Par exemple, je peux envier quelqu’un parce qu’il est en meilleure santé que moi. Je peux envier quelqu’un parce qu’il est plus riche que moi. Autrement dit, la santé, la richesse, ce sont des biens. Mais si j’admire quelqu’un parce qu’il est en meilleure santé que moi ou plus riche que moi, je suis un imbécile. Je peux admirer quelqu’un, en revanche, parce qu’il est plus courageux que moi, plus juste que moi, plus aimant que moi, plus généreux que moi. Ça, ce sont de vraies valeurs. Et donc, si on soumet les valeurs aux biens, on est déjà dans une société nihiliste. Celui qui vous dirait il n’y a rien au-dessus de l’argent, nihilisme financier. Et bien celui qui vous dit il n’y a rien au-dessus de la santé, c’est du nihilisme sanitaire.»

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